samedi 6 septembre 2014

De l'art du compliment




Un article pour aborder un sujet qui me tient à coeur : les compliments, quels qu'ils soient, portant sur l'attitude, la personnalité, la beauté extérieure ou intérieure, les actes, les aptitudes, etc.

L'exercice me semble aussi périlleux que vital.

Souvent, nous n'osons pas. Il risquerait de flatter la vanité de l'autre, il serait superficiel, ou intéressé... ou gênerait les personnes nombreuses que les compliments gênent. Ben oui, mais alors... ça ne risque pas de bouger. Quel dommage. 
"La calomnie a, au moins, cet avantage sur la louange d'être toujours crue". Charles Régismanset.
 
Ces écueils ne devraient pas nous faire abandonner la pratique du compliment impromptu, à un.e inconnu.e dans un magasin, à un parent, à quelqu'un dont on pense le plus grand bien sans jamais le lui dire. Le genre de compliment qui réconforte ou galvanise l'autre, peut-être pas sur le moment, mais souvent pour longtemps. 

Car je ne sais pas si c'est le cas pour vous, mais pour ma part, chaque compliment visiblement sincère que l'on a pu me faire est gravé dans ma mémoire, m'a fait un bien fou et durable, me retraverse parfois et me donne le sourire. Un compliment sans arrière-pensée sur l'allure, la reconnaissance du fruit de son travail, l'estime explicitée sans envie par d'authentiques ami.es.
Les flatteries sont vite reconnaissables à leur surabondance... mais pourquoi tomber dans l'excès inverse ? Et si nous étions moins avares de nos compliments, qui sait si la fausse modestie, le nombre de selfies et l'égotisme éhonté des réseaux sociaux ne diminueraient pas, si l'audace ne gagnerait pas tout un chacun ? 

Je ne crois pas que les compliments rendent vantard ou vaniteux. C'est enfoncer une porte ouverte que de dire que l'orgueil et la susceptibilité se développent souvent sur le terrain du manque de reconnaissance. 
"Un compliment, c'est un peu d'amour dans beaucoup d'esprit." Emile Faguet  
N'avez-vous jamais été touché en recevant un compliment inattendu, que vous avez senti sincère, au sujet de quelque chose de vous que jugiez négativement ? Un compliment peut-être aussi inoubliable que les reproches qui nous transpercent souvent. Et s'il faut plus d'une fois pour en être convaincu, raison de plus pour s'y mettre. 

Pourquoi exprimer plus souvent les reproches que les compliments ? Cela ne peut que priver les premiers de leur efficacité, donner aux autres un sentiment de désamour, d'injustice, les abîmer par la disgrâce de l'effet Pygmalion.  
 
Et je crois, oui, (vous me direz si vous n'êtes pas d'accord) qu'il en est ainsi pour tout le monde. 
Même pour ceux que les compliments gênent, qui souffrent d'un tel déficit d'amour-propre et de légitimité qu'ils se sentent inaptes à les accueillir : au fond, loin sous la surface, le compliment mènera son petit chemin bienfaisant. Et plus ces personnes recevront des compliments similaires de personnes différentes, plus elles envisageront leur véracité. 
Même pour ceux qui semblent imbus de leur personne et dotés d'une assurance à toute épreuve : sous la surface, une voix appelle une confirmation qui les apaiserait enfin, qui leur ferait un peu lâcher prise.
Oui, vraiment : même si on vous a élevé à l'encontre de cette idée, même si vous n'en avez pas reçu d'abord, jetez des fleurs choisies, cueillies à l'instant précis où elles y sont prêtes, dès que vous en avez envie ; jetez-en aux autres, amoureux, enfants (ils en ont tant besoin pour se construire), parents, amis, collègues, inconnus croisés dans une gare ou devant des cabines d'essayage... Vous pourriez bien faire des émules. Le compliment dégagé de toute attente, délesté de ses oripeaux comparatifs (à soi, aux autres, au passé du complimenté), est une bénédiction laïque, qui donne foi en soi et ne provoque nul péché d'orgueil. C'est un art, et son domaine est sans bornes, du plus petit détail au plus général. Merci à ceux qui m'ont déjà donné l'occasion d'y goûter, notamment ici ; j'espère l'avoir également pratiqué, je m'y emploie, en tout cas, maladroitement parfois, mais sincèrement toujours. Il est si délicieux de se réjouir des autres. 
On peut même épargner les gênes en travaillant l'art du compliment sous-entendu, parfois par un simple "elle aussi/lui aussi", "comme toi" ajouté au compliment d'un tiers dans la conversation... Ainsi le compliment, décentré, peut n'être pas relevé et produire son petit effet en toute discrétion ! Oui, ça sent le vécu... il existe des êtres de tact et de délicatesse qui ont toute mon admiration. 

Et comme réponse au compliment ? Un simple merci souriant vous vient... ne suffit-il pas ? Vous rougissez... Ce n'est pas grave. Ne pas se sentir obligé de le  minimiser, ou d'en faire un aussitôt en retour. C'est difficile, c'est vrai, mais on finit par y arriver. S'enfuir si l'on est gêné. L'emporter chez soi, pour le savourer. Ou alors, on peut rétorquer...:

Quelle injure qu'un compliment ! On ose me louer ! Ne suis-je pas au delà de toute qualification ? Paul Valéry, Monsieur Teste (1926)

1 commentaire:

Grégory a dit…

Ha, ha, ha! Je viens d'éclater de rire à la lecture de la citation de Paul Valéry... Bon article selon moi, ma belle Manon, qui bien sûr me parle de toi et de moi. Je t'aime!
G