samedi 14 février 2015

HOPE

Hope est un film éprouvant. Brut, sans détour et sans euphémisme, sans complaisance, ni rien d'inutile ou de trop. On en sort profondément bouleversé. Les premières minutes le disent d'emblée : l'espoir ne sauve pas de l'horreur... mais il fait avancer, inexorablement, des êtres enracinés à leur projet comme un tronc à la seule source d'un désert.
La bande-annonce n'en dit pas trop, pour une fois... elle est moins dure, aussi, que le film. 


L'être humain y semble indécrottable dans sa violence et son intolérance ordinaires. Pas un pour rattraper l'autre, et toutes les migrations du monde n'y changeront rien. 


Le film est magnifique, et pourtant dénué du moindre effet esthétique apparent : il semble parfois confiner au documentaire (genre d'abord pratiqué par le réalisateur, Boris Lojkine, notamment avec son oeuvre sur l'après-guerre du Vietnam, Les âmes errantes), la caméra se contentant de suivre une réalité qu'elle a peine elle-même à supporter, entrecoupée de moments de pure grâce durant lesquels on aspire un peu d'oxygène et de beauté, en même temps que les personnages, avant de repartir, toujours plus loin, dans le champ des traquenards acceptés. Et ces moments d'amour et d'harmonie semblent là comme pour rendre le reste plus insoutenable. 
 
Il s'agit pourtant bien d'une fiction, et non d'un documentaire, même si on y apprend des choses (notamment sur le rôle que joue la nationalité d'origine à chaque étape des flux migratoires) ; même si les comédiens ont vécu une partie de ce qu'ils jouent...

Un vrai film conducteur, donc, alimenté d'un peu de tendresse et d'eau fraîche qui arrivent par nécessité, heureusement aussi authentiques que le reste.
 
Tous les plans semblent spontanément mais esthétiquement cadrés. La lumière, toujours naturelle, joue un rôle à part entière. Très peu de musique : le rythme est donné par l'activité de ces personnages qui ont l'espoir chevillé au corps, qui en portent même le nom... à l'image de cette femme qui jette son dévolu sur un homme et reste agrippée à lui, mystérieuse à ses yeux comme aux nôtres.


Les deux personnages principaux, entre anglais et français, Niger et Cameroun, avancent tête baissée dans les embûches, avec leur fragile humanité, discret flambeau qui menace de s'éteindre à tout moment sous d'atroces éteignoirs. 

Hope, c'est la force inaltérable, irréductible de l'exié que rien jamais n'arrêtera, car aucun arrêt n'est possible entre nulle part et n'importe où. Ni aucun retour. 
 
Hope est un kaléidoscope qui fait jouer le noir sur le noir, parsemé toutefois de quelques éclats de verre coloré qui resteront là, comme des traces de ce que l'homme pourrait être, mais renonce à être. 

C'est l'occasion de (re)lire le splendide Eldorado, de Laurent Gaudé. De revoir Welcome. Comme si les œuvres sur ce thème ne pouvaient que porter des titres teintés d'une sombre ironie. Dans Hope aussi, on ressent profondément que les protagonistes de cette aventure dangereuse ne sont ni naïfs ni désespérés, mais simplement mus par l'énergie pure de l'action, dans l'impossibilité totale de renoncer au rêve qui les tient debout. Tandis que là-bas, ici et partout, des murs jamais assez hauts se dressent, leur trajectoire à eux, trajectoire d'insecte, horizontale et sinueuse, arbitrairement stoppée, inlassablement recommencée sans jamais perdre de vue le  point d'arrivée, chemine en nous et y dépose, plutôt qu'une compassion qui ne leur parviendrait pas, une compréhension limpide et sainement révoltée. 

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