vendredi 12 février 2016

Bruno BARBEY

Français né au Maroc, passé par le lycée Henri IV, et entré chez Magnum à l'âge de 25 ans, Bruno Barbey est un monument du photo-reportage, avec près d'une trentaine d'ouvrages publiés, parfois en collaboration avec des écrivains comme Genet, Le Clézio, ou Tahar Ben Jelloun.
Le site de Bruno Barbey

Dans l'interview filmée à l'occasion de l'exposition, il dit que c'est parce qu'il était fasciné par le voyage et le contact humain qu'il en est venu à la photographie : devant son oeuvre, on ne peut que le croire.

L'exposition retrace, en 150 tirages (auxquels s'ajoutait une magnifique projection commentée, dans une petite salle), une véritable Odyssée, en noir et blanc et en couleurs, à travers l'Histoire et les vies du XXe.

Bruno Barbey ne se voit pas comme un photographe de guerre : il couvrait les événements en plus de son travail personnel. Cela donne une rétrospective dans laquelle l'intensité ne cède en rien à l'abondance.
Beaucoup de modestie aussi chez ce grand monsieur, qui rend souvent hommage au rôle de sa femme dans son parcours, et remet son rôle en perspective :


La déambulation dans l'exposition était très agréable, les espaces variés, les modules mettaient réellement les clichés en scène, et, c'est toujours très important, peu de reflets sur la plupart des photographies (sur toiles). J'aurais pu rester toute la journée dans ce monde en miniature, peint avec une palette si variée...


Avec un sens esthétique admirable, quasi cinématographique ou pictural, bien que fidèle à la réalité (l'artiste parle de l'influence qu'a exercée sur lui le cinéma italien - voir l'interview), Bruno Barbey pose son oeil sur chaque lieu, sur chaque personne, leurs lumières, leur puissance et leurs couleurs, avec élégance et discrétion.


Que les cadrages soient académiques ou spontanés, appareil et photographe se font oublier : plus de filtre entre le public et des scènes d'une présence toujours saisissante.


Jamais de pathos, ni de portraits agressifs : la juste distance, toujours, celle qui prend le temps du regard et de la réflexion, mais sans froideur, bien au contraire. Et des angles inattendus sur les sujets, comme ces GI's drogués et hallucinés, noyés dans la guerre du Viêt-Nam.


Beaucoup de conflits nationaux ou internationaux, donc (mai 68, guerre de libération du Bangladesh, Irlande, Cambodge, Koweit, conflit Israëlo-palestinien, Viêt-Nam, ...), mais aussi des projets personnels qui nous plongent dans la douce intimité de certains pays (Italie, Maroc, Brésil, Corée du Sud, ...), où il retourne parfois à plusieurs décennies d'écart. Dans ces séries-là, où l'élan de vie côtoie des cultures en voie de disparition, le photographe se joue alors des images d'Epinal et des clichés, les mêlant et les démêlant.

Je ne résiste pas au plaisir, même s'il y en a beaucoup sur le site de Bruno Barbey et ailleurs, de partager ici une sélection d'autres clichés qui m'ont particulièrement saisie.

ITALIE

KOWEIT


JORDANIE (années 1970)


IRLANDE

BANGLADESH (1971)


IRAK (1974)
Japonais manifestant contre les armes chimiques lancées par Mitsubishi sur le Viêt-nam : 



POLOGNE (1976)



MAROC







BRESIL 1966 (premier travail couleur)


COREE DU SUD

Et je termine sur cette dernière photo, que je trouve fabuleusement surréaliste :

Il y avait d'autres artistes bien intéressants, ce jour-là, regroupés autour du thème du monde arabe contemporain.

Parmi les artistes exposés, Leïla Alaoui, décédée des suites de blessures par balles lors du récent attentat de Ouagadougou.

J'ai surtout retenu Massimo Berruti, talentueux jeune photographe italien, et ses très beaux clichés de Gaza, "prison à ciel ouvert" qui "crève de soif", mais où la vie, et les enfants, tiennent bon (beaucoup de reflets, navrée pour la piètre qualité de ces deux prises de vue, qui ne rendent pas hommage à la beauté des images).

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