jeudi 17 mai 2018

Cyclades (2018) : Amorgos, Milos.

Je n'ai pas "fait" des îles grecques (erk), mais deux îles m'ont défaite, fêtée, refaite.


J'ai retrouvé mon corps, quelques muscles qui dormaient. L'oxygène, la couleur, l'air. L'énergie.
Aimer le vide, la faim, le vertige même, puis se nourrir vraiment, d'aliments frais et sauvages, des herbes, du sésame, du fromage de brebis caressées en route.


J'ai repêché péniblement quelques mots anglais qui s'étaient égarés dans les tréfonds de mon cerveau reptilien, et appris une poignée de mots grecs, répétés tout le jour avec délectation.
Le dernier jour, à l'aéroport, une vendeuse m'a noyée sous un flot de grec, et puis m'a dit "oh pardon, vous avez dit gia sas avec un accent si parfait que je vous ai crue grecque". Quel plaisir de la croire, dans ce départ pénible, parce que c'était là que j'avais envie de rester, que je n'en avais certainement pas assez, que les heures dans un aéroport mondialisé climatisé, après ça, étaient au bord de l'insupportable. La prochaine fois, je mettrai l'Italie sur mon chemin, je prendrai le train puis le bateau. C'est vrai que l'avion, c'est un peu magique, mais... en même temps c'est l'inverse de la magie.

Je me suis baignée nue, seule, seule, seule à rire de solitude heureuse.

J'ai grimpé des dénivelés jusqu'à ne plus pouvoir marcher le soir venu, discuté avec des chèvres, saoule de vent, de soleil, d'iode - et de vin blanc.


Je me suis dit tous les jours que le jour suivant serait forcément moins idéal, et tous les jours Milos et Amorgos m'ont détrompée.
J'ai conversé avec des gens qui donnent le sourire.
J'ai tendrement aimé les mamies qui vous lancent un énergique "Yasssss", et les papous dont les "kalimera" sonnent comme une chemise qui sèche au soleil.
Je n'ai pas osé les prendre en photo, parce que je manquais de temps pour apprendre à les connaître.
J'ai savouré cette langue vive et douce, et la musique du Meltem.
J'ai fermé les yeux de bonheur cent fois par jour.
J'ai caressé des ânes livrés à eux-mêmes, et des coquelicots soyeux.
J'ai oublié le reste du monde, les écrans, mes pieds meurtris.
J'ai mangé des œufs très jaunes devant une mer très bleue.
J'ai humé la fleur d'absinthe et arpenté des sculptures de lave.

J'ai admiré des chats, j'en ai plaint d'autres.

J'ai vu Sarakiniko sous la pleine lune, mouillée dans son étrange douceur. Vision inoubliable, qui me berce encore.
J'ai retrouvé ma garrigue et mes oliviers de toujours, et même mon petit duc, semblables et différents.

Je me suis cachée pour écouter une messe, filmer un crabe.

J'ai apprivoisé l'oppressante Thira (Santorin).
J'ai aidé à nettoyer une plage, et pris plusieurs milliers de photos, pour essayer des réglages encore bien maladroits, pour le plaisir de reposer mon œil ébloui contre un support.
J'ai bu, en bonne compagnie, des bières grecques parfumées à ma sueur parfumée à l'origan.
On m'a offert une quantité indécente de repas, de verres, de fruits, et les séances d'autostop les plus faciles qu'il soit possible de rêver.
J'ai redécouvert la couleur bleue, que j'aimais mal.
Je me sentais sans cesse débordante de joie et de reconnaissance, comme un scout sous ecstasy.
J'ai dormi sur d'excellents matelas, posé ma peau trop chaude sur des draps rafraîchis par la pierre des murs.
Je me suis baignée sur la lune.

J'ai regardé le soleil se coucher, encore et encore.
Je me suis souvenu de ce qu'est le silence, et que les vagues, c'est encore du silence.
J'ai cru que le voyage ne prendrait jamais fin, et j'ai le mal des îles.
Amorgos, Milos.
J'y retournerai longtemps, longtemps, avec du papier à lire et à écrire, même les mois humides et venteux, quand il ne restera presque plus personne, et que les clochettes se seront tues, et que je serai sûre de ne plus croiser que des Grecs. Je retournerai à Amorgos pour ramasser des plantes avec Vangelis. Je retournerai à Milos pour faire du bateau avec Andreas et des photos avec Dimitris, et revoir Nikolas et Julia les musiciens, et Marion la française qui épousa la Grèce, s'ils sont encore là.

Et, bien sûr, je verrai d'autres îles.

Je n'ai même pas lu, hormis un roman de Jack London qui décrit un lieu et une femme de rêve, parfait pour un tel voyage : La Petite Dame dans la grande maison.


Je vais partager ici quelques photos en plusieurs fois, sous forme de "décalbums" à thème.
Certaines bonnes adresses, expériences et considérations générales viendront un peu plus tard, quand je serai sortie de l'enchantement qui continue à m'habiter.

1 : BLEUS














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